Construire sans permis ni déclaration : les risques et sanctions

Bruno, Rindra

De la construction d’une maison individuelle à la création d’un garage en passant par la pose d’une fenêtre de toit, un permis de construire ou une déclaration préalable doit être déposée avant d’entreprendre des travaux.

L’omission de ces démarches administratives constitue une infraction, risquant d’entrainer des sanctions diverses et variées : une amende, une démolition, voire une peine d’emprisonnement en cas de récidive.

De plus, lorsqu’un projet a fait l’objet d’un accord de la mairie, le bénéficiaire des travaux est tenu de s’en tenir exclusivement à ce qui a été déclaré dans le permis de construire ou la déclaration préalable. Par exemple, construire plus de surfaces que ce qui a été déclaré initialement constitue également une infraction.

Retrouvez ici les risques et l’ensemble des sanctions prévues en cas de travaux non déclarés ou non conformes avec le permis de construire ou la déclaration préalable.

L’interruption des travaux

1. Procès-verbal d’infraction

Une fois l’infraction constatée, l’autorité administrative (dont le Maire ou le président de l’EPCI) doit faire dresser un procès-verbal, lequel sera transmis à l’autorité judiciaire compétente.

2. Arrêté d’interruption de travaux

Temps que l’autorité judiciaire ne s’est pas prononcée, le Maire peut formuler un arrêté d’interruption de travaux. Dans ce cas, l’administré en infraction est dans l’obligation de cesser les travaux en cours. L’arrêté du Maire s’annule en cas de relaxe ou de non-lieu.

3. Ordre d’interruption de travaux

Le ministère public agissant sous la demande du Maire, le juge d’instruction ou le Tribunal Correctionnel peut prononcer un ordre d’interruption de travaux une fois l’infraction constatée.

Saisie du matériel de chantier

Pour s’assurer du respect de l’ordre ou de l’arrêté d’interruption des travaux, le code de l’urbanisme laisse au Maire un large éventail de mesures contraignantes.

Par exemple, le Maire est en droit de saisir les matériaux ou le matériel de chantier. Il peut également apposer des scellés.

À noter que le Préfet peut également prendre ces mesures lorsque le Maire risque de s’y refuser.

Mesures nécessaires à la sécurité des personnes

Le Maire ou le Préfet peut, s’il y a lieu, faire procéder à l’installation de dispositifs de sécurité. Ces mesures peuvent intervenir lorsque les travaux qui ont été interrompus présentent un risque pour la sécurité des personnes.

Les dispositifs de sécurité sont mis en place aux frais du constructeur en infraction.

Amende

Deux sortes d’infractions peuvent faire l’objet d’une amende :

  • Les constructions ou travaux qui n’ont pas été déclarés ;
  • Les constructions ou travaux non conformes à l’arrêté d’accord du permis de construire ou de la déclaration préalable de travaux.

Dans ces deux cas de figure, le montant minimal de la sanction est de 1 200 €.

Le montant minimal peut être majoré jusqu’à 6 000 € par m² de surface construite ou démolie, et même jusque 300 000 € lorsqu’il n’y a pas eu de création ou démolition de surface (par exemple, les travaux modifiant l’aspect extérieur d’un bâtiment).

Pire encore : en cas de récidive et en plus d’une nouvelle amende, une sanction sous forme de peine d’emprisonnement de 6 mois pourrait être prononcée.

Amende en cas de poursuite des travaux malgré un ordre d’interruption

Une amende de 75 000 € ainsi qu’une peine d’emprisonnement de 3 mois pourrait être prononcée en cas de poursuite des travaux alors qu’un ordre d’interruption des travaux a été émis.

La mise en conformité, la démolition ou la réaffectation

En cas de procès, le Tribunal a la possibilité de statuer sur la mise en conformité, la démolition ou la réaffectation en guise de sanction. Cette sanction peut être prononcée en plus de l’amende.

Mise en conformité

Travaux non déclarés, mais conformes aux règles d’urbanisme

La mise en conformité peut intervenir lorsque la construction ou les travaux exécutés irrégulièrement sont autorisés par le règlement d’urbanisme.

Dans ce cas, la mise en conformité pourrait passer par le dépôt d’un permis de construire ou d’une déclaration préalable de travaux afin de régulariser la situation.

Travaux non déclarés, mais non conformes avec les règles d’urbanisme

La mise en conformité peut être prononcée s’il est possible de modifier la construction frauduleuse pour la rendre conforme aux règles d’urbanisme.

La démolition

Le Tribunal peut ordonner purement et simplement la destruction des éléments construits illégalement, s’assurant de fait du respect des règles de droit des sols.

La réaffectation

Il est plus difficile de cerner la nature de l’ordre de « réaffectation ».

L’article L.480-5 du code de l’urbanisme mentionne « réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur ». Il ne s’agit donc pas d’affectation au sens de destination visée à l’article R.123-9 du code de l’urbanisme.

Au regard de la jurisprudence, le terme « sol » serait plutôt à entendre sous un sens géologique.

Selon cette hypothèse, l’ordre de réaffectation du sol pourrait correspondre à la remise en état des éléments végétaux qui ont été compromis suite à une construction frauduleuse (CAA Nantes 15-4-1998 n° 97-1909, cité par Francis Lefebvre, Memento Urbanisme 2010, 1457 c.).

L’astreinte journalière

L’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation est assorti d’une date limite.

C’est-à-dire que le délinquant doit procéder aux travaux de démolition ou de mise en conformité avant un certain délai.

Passé ce délai, il pourrait avoir à s’acquitter d’une amende par jour de retard dont le montant maximal est de 500 € par jour.

À noter que le montant de l’astreinte maximal peut être majoré sans limites prévues par le code de l’urbanisme, lorsque les travaux de remise en conformité n’ont pas été effectués dans l’année de l’expiration du délai fixé par le Tribunal.

Publication du jugement dans deux journaux régionaux

Le Tribunal peut ordonner la diffusion du jugement de la condamnation dans deux journaux régionaux. Les frais de publicité sont à la charge du délinquant.

Majoration des taxes d’urbanisme

Les taxes d’urbanisme risquent être majorées d’une pénalité de 80 % du montant de la taxe due.

De surcroit, l’administration fiscale est en droit d’exiger le remboursement de l’ensemble des taxes dues, quand bien même la construction est irrégulière.

En cas de construction frauduleuse : doit-on paniquer ?

Bien que les sanctions puissent sembler importantes, les infractions ponctuelles ne sont pas les plus sévèrement punies par la loi. Ce sont en effet très clairement les récidivistes qui risquent les plus lourdes peines, notamment l’emprisonnement.

Mais au-delà de cela, il existe quand même un élément essentiel à prendre en compte : en cas de construction ou de travaux frauduleux, l’autorité administrative (généralement le Maire) DOIT faire dresser un procès-verbal, qui peut être le ticket d’entrée du Tribunal. Il s’agit bien d’une obligation.

Un autre élément, beaucoup plus cruel : un contentieux peut s’ouvrir en cas de « méconnaissance » des dispositions du code de l’urbanisme.

La méconnaissance peut donc être délibérée, mais aussi involontaire (art. L.480-4 du code de l’urbanisme).

Autrement dit : le code de l’urbanisme n’est pas plus indulgent envers les contrevenants qui ignoraient les formalités préalables aux travaux.

Aussi, les seules façons de construire sans risques sont :

  1. De ne jamais entreprendre de travaux sans accord de la mairie ;
  2. De toujours respecter l’autorisation de construire qui a été déposée ;
  3. De ne jamais « tricher » sur les surfaces construites ou sur les travaux déclarés ;
  4. Accessoirement : de ne pas croire qu’une construction sans fondations, invisible depuis la voie publique et des voisins n’a pas à être déclaré (ce préjugé très répandu est pourtant totalement faux).

La mairie risque-t-elle de fermer les yeux ?

De nos retours, il est vrai que nous avons pu voir des bâtiments, non seulement construits sans permis, mais en plus contraires aux règles d’urbanisme, être tolérés après dépôt d’une demande d’autorisation de construire.

La mairie peut donc être conciliante.

Notons qu’il s’agissait de travaux très modestes, lesquels n’étant pas en contradiction franche avec le Plan Local d’Urbanisme et ne présentant aucun risque pour la sécurité. Enfin, ne connaissant pas les formalités préalables aux travaux, ces administrés ont fini par convaincre la mairie de leur bonne foi.

Cela étant, il est très clair que ces quelques cas de figure ne sont pas universels, d’autant plus, il faut le rappeler, que le Maire doit faire dresser un procès-verbal en cas d’infraction.

Au final :

  • Oui, la mairie peut préférer la conciliation au litige (risquons d’affirmer qu’elle préfère systématiquement la voie amiable) ;
  • Mais paradoxalement, non, la mairie n’a pas le droit de fermer les yeux, car un procès-verbal doit être dressé en cas d’infraction.

Tout dépend donc du contexte, des pratiques locales et de la nature des travaux. Il est clair que « laisser passer » une maison individuelle sera plus délicat que l’ajout non déclaré d’un velux.

En cas d’infraction non constatée

L’idéal est de contacter la mairie pour faire part de l’infraction. L’objectif sera alors de trouver une issue amiable, qui devrait être « simple » à obtenir si les travaux sont conformes aux règles d’urbanisme (ou s’ils peuvent techniquement le devenir).

Une autre solution, un peu moins risquée, est de déposer une demande de certificat d’urbanisme opérationnel. Ce certificat, qui n’est pas une autorisation, peut renseigner sur la conformité des travaux avec les règles d’urbanisme.

Consultez l’article « Régulariser une construction » afin de connaitre les démarches à entreprendre en cas de construction irrégulière


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